Les bases du réseau — 1. Les communications IRL

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Cet article fait partie de la série Les bases du réseau. Retrouvez le sommaire à cette adresse.

La meilleure façon de comprendre les notions élémentaires du réseau est d’étudier les réseaux que j’appelle “naturels” : ceux issus de la vraie vie. Au travers d’exemples concrets, nous allons explorer ce qu’est une communication, et comment on peut la transposer dans le monde numérique.

Pourquoi ?

Plutôt que de mettre les 2 pieds dans la technique, prenons de la hauteur et analysons déjà le besoin fonctionnel : pourquoi on veut faire du réseau ? Faire communiquer des machines entre elles ? Non, ce n’est pas un besoin fonctionnel. Transmettre un message, une information, ça c’est un besoin fonctionnel. Tout le domaine du réseau consiste à assurer la transmission de messages. C’est le seul et unique but, et ça se décline techniquement par tout un ensemble de techniques et procédés plus ou moins complexes.

Les composants d’une communication

Alors de quoi a-t-on besoin pour transmettre un message ? Déjà, on peut lister ce qui est évident :

  • un émetteur : celui qui a une information à envoyer,
  • un ou des récepteur(s) : celui ou ceux à qui l’émetteur adresse l’information, ou bien simplement ceux qui écoutent,
  • le message : l’information en elle-même.

Mais il nous manque quelque chose : un moyen physique de transférer le message. Dans le cas d’une conversation humaine, c’est l’air que l’on va faire vibrer. On va parler de médium pour désigner un “truc” physique dont on va modifier les propriétés physiques pour transmettre un message. L’air, un champ électromagnétique, un fil électrique, … pour l’instant peu importe.

ℹ️ Emetteur, récepteur, message, médium...
C’est tout ?

Pas exactement. Prenons un exemple simple : si on me parle avec des ultrasons, on bien a émetteur, un récepteur, un message, un médium que je sais utiliser ; mais je suis incapable de décoder le message. De la même manière si l’émetteur ne prononce pas des syllabes mais fait des bruits de tracteur, je ne vais rien comprendre.

On doit ajouter la notion de règles de communication : faire vibrer l’air c’est bien mais ça ne suffit pas, il faut prononcer des syllabes, et ce dans une plage de fréquence audible. Il faut aussi mentionner les règles d’accès au support : on ne parle pas tous en même temps dans une salle de classe par exemple. L’accès au support peut être auto-géré, ou bien un “maitre” peut donner la parole.

💡 Canal
Un médium sur lequel on défini des règles, on peut appeler cela un canal.

Finalement, une communication entre deux personnes, l’envoi d’un courrier, ou un prof qui donne un cours magistral sont trois façons très différentes de communiquer, mais on retrouve toujours ces éléments.

Récapitulons. Pour que la communication d’une information ait lieu il faut :

  • un émetteur,
  • un récepteur ou plusieurs,
  • un message,
  • un canal, c’est à dire un medium auquel on a associé des règles.
💡 Support de communication
On appelle aussi un canal un support de communication. En fait il y a une nuance, mais ce n’est pas important pour le moment.

Le message

Le message est arbitraire, mais il faut malgré tout qu’il ait un sens. En fait, il doit avoir une structure : que ce soit une phrase en français, la représentation d’une image en binaire, ou des coordonnées GPS, les données ont toujours un format. Même une conversation simple entre 2 individus est codée : langue utilisée, intonations, … Autour du sens du message, on a également un cadre : des marqueurs de début/fin de communication et de phrase par exemple.

Il va de soi, mais il est important de préciser que le récepteur doit savoir décoder tout cela.

Le canal

Creusons un peu la notion de canal. Il possède des propriétés qui dépendent du médium :

  • une fiabilité ou qualité : le message arrivera-t-il à destination de façon certaine ? ou une fois sur deux ? Risque-t-il d’être altéré ? Faudra-t-il faire répéter le cas échéant ?
  • un niveau de sécurité : quelqu’un autre que le récepteur peut-il écouter (et comprendre) le message ?
  • une notion de débit : peut-on passer beaucoup d’informations en peu de temps ?
  • une notion de partage : plusieurs émetteurs peuvent-ils utiliser le même canal en même temps ?

Chacune de ces propriétés a plus ou moins d’importance suivant le contexte. Certains canaux doivent être à haut débits, sécurisés et très fiables, pour d’autres ce n’est pas nécessaire et on préfèrera la simplicité.

💡 A retenir
Même dans une petite conversation, il y a déjà des règles implicites de communication. Une forme. Un “format”.

Quelques exemples

Les composants

Quelques exemples d’émetteurs :

  • un humain qui parle à un autre humain,
  • moi, via ce blog,
  • un zouave sur TikTok,
  • un prof dans un amphi,
  • un pilote d’avion à la tour de contrôle,
  • un capteur dans une voiture.

… de récepteurs :

  • l’ensemble des étudiants de l’amphi,
  • un étudiant individuellement,
  • vous-même, si vous parlez tout seul,
  • une sonde spatiale à l’autre bout du système solaire.

… de message : tout ce que l’on a à dire. Le contenu ne nous intéresse pas, nous on étudie sa transmission c’est tout ! Ce peut être un message d’anniversaire, l’intensité lumineuse d’une lyre dans une salle de spectacle, la position GPS d’un drône, une vidéo de 3h traitant de la Moselle au XIIème siècle.

… de médium :

  • l’air ambiant que l’on fait vibrer,
  • une onde électromagnétique porteuse dont on module l’amplitude, la phase ou la fréquence,
  • un fil électrique auquel on applique une différence de potentiel avec la masse,
  • une fibre optique,
  • une masse d’eau que des cétacés vont faire vibrer.

Une conversation normale

  • Emetteur : un humain
  • Récepteur : un humain ou plusieurs
  • Message : plutôt libre dans la forme, mais respecte les codes d’une langue (plus ou moins) : dire bonjour d’abord, écouter l’autre avant de parler, ne pas couper la parole, … On parallélise les informations grâce au langage non-verbal.
  • Canal :
    • air ambiant, par vibration
    • plusieurs personnes peuvent parler à la fois, mais si on en a trop ça dégrade la compréhension

La même conversation mais avec des talkie-walkies

  • Emetteur : un humain
  • Récepteur : un humain ou plusieurs
  • Message : assez codifié : on commence par ouvrir la fréquence (tester), on indique explicitement quand on a terminé le message, et la conversation. On parle à tour de rôle en nommant à chaque message le destinataire puis l’émetteur.
  • Canal :
    • Air ambiant d’abord, onde électromagnétique ensuite, puis re-air ambiant
    • Une seule personne peut parler à la fois

Un bon exemple de ce type de communication est disponible ici. Il s’agit d’un échange entre un pilote et une tour de contrôle. On y apporte un élément important : le collationnement, c’est-à-dire la confirmation que le message a été reçu et compris.

Encodage, structure et transport

Comme on l’a vu, on a des codes : l’émetteur et le récepteur doivent partager le même code sinon le message ne peut pas être compris.

En fait quand je parle, il y a 2 niveaux :

  • Le message que je formule dans ma tête : il est structuré, il a une forme : je parle en français.
  • Son encodage sur le canal : je fais vibrer l’air, et vos oreilles savent capter et décoder.

Donc on a des règles à 2 niveaux : on a besoin de structurer le message selon un formalisme (parler en français), et d’encoder ce message ainsi structuré sur le médium c’est-à-dire utiliser le canal (émettre des vibrations dans l’air dans une certaine plage de fréquence, correspondant à des syllabes pour former des mots et des phrases).

Si j’ai l’encodage mais pas la structure, ce que je dis sera “entendu” mais n’aura pas de sens : on vous parle chinois par exemple. Chaque syllabe est entendue, analysée, mais l’ensemble ne sera pas compris.

Si j’ai la structure mais pas le bon encodage, le destinataire ne peut pas décoder (parler à un sourd : non il faut utiliser un autre encodage sur un autre médium : le langage des signes ou l’écriture)

L’encapsulation et le tranport

Maintenant que l’on sait produire un message adapté au medium, creusons un peu. Décortiquons un exemple basique : Alice, en cours de maths, veut demander à Bob de lui prêter son compas. Ils sont côte à côte : elle griffone un message sur un papier et le glisse sur sa table.

Que faut-il pour que Bob comprenne qu’Alice veut son compas ?

  • Il faut que le message soit structuré : écrit dans une langue que Bob comprend*.
  • Il faut que le message ait un sens : “peux-tu me prêter ton compas ?”.
  • Il faut que le message soit lisible : pas trop petit, couleur adaptée au papier, … c’est à dire qu’il utilise un format adapté au canal.

On retrouve ici les règles de structure et d’encodage vues plus haut.

Maintenant imaginons la même scène, mais Alice et Bob ne sont pas à côté : si Alice griffonne « Compas ? » sur le papier et le glisse sur la table de son voisin, peu de chance pour qu’il arrive effectivement devant Bob qui est 3 rangs plus loin. Il faut ajouter une information : le destinataire. Simplement mettre le message dans une enveloppe et y inscrire « Pour : Bob » suffit. Ici, la notion de destinataire doit faire partie du message envoyé.

Mais si Bob reçoit cette enveloppe, il ne saura pas à qui prêter son compas. Oups, il faut aussi rajouter l’expéditeur… « De la part de : Alice ». Cela est d’autant plus important si plusieurs élèves s’échangent des mots en même temps.

Illustration basique
Figure 1 — Illustration basique

Par extension, le système postal fonctionne de la sorte, en un peu plus évolué : on met un message dans une enveloppe avec les noms et adresses dessus, on place le tout dans une boite jaune. Le message sera collecté, transporté, trié, re-transporté et livré à destination, et ce en même temps que des milliers d’autres messages et colis. Ce dernier point est important : on peut utiliser le même système pour transporter des choses de nature différente.

💡 A retenir
On se rend compte qu’il faut ajouter des informations au message pour que celui-ci soit acheminé au bon endroit et compris. On appelle cela l’encapsulation et on va beaucoup en parler.

Dans les cas étudiés ici, on reste sur le même canal. Mais on peut aussi imaginer un message qui passerait par plusieurs canaux : si Alice demande oralement à Bob d’appeler Charlie pour lui dire d’envoyer une lettre à David pour lui emprunter son compas, le message va être transporté d’un canal à l’autre et prendre plusieurs formes différentes avant d’arriver à destination.

Conclusion

Pour qu’un message arrive à destination et soit compris, il doit être structuré et transportable. Pour cela on a besoin de règles communes, et d’ajouter des informations “autour” du message : on l’encapsule, on collationne, … Avec cela en tête, on sait déjà un peu mieux où l’on va quand on va parler de réseau informatique : il s’agit de permettre une communication entre des stations (PC, serveur, caméra, ou autre), pour passer un message, et ceci en utilisant un canal qui aura des règles spécifiques et potentiellement partagé avec d’autres. Et dans certains cas, le message pourra utiliser plusieurs canaux consécutifs pour arriver à destination !

Dans le prochain article, on rentre dans le vif et on étudie ce qu’est un support de communication en informatique.